Ecole de Danse Fabienne Rumeau
6 Cours Irénée Cros - Foix
Tél : 05 61  02 95 11

LE JAZZ
 
La musique jazz est un ensemble à la fois sonore et corporel. C'est la parodie, la gaieté, la fête, les joyeux échanges, elle caractérise la liberté de l'individu. Cependant elle exprime aussi ; la douleur, l'oppression, elle est chargée de plaintes et de moqueries, d'ironie, de révolte et de revendications, elle ouvre le droit au solo, à l'improvisation et à la liberté d'échanges. 
 

Cette philosophie du jazz qui a façonné les grandes danses vernaculaires noires américaines a été reprise par la communauté blanche et diffusée dans le monde entier. 
 
Elle part du Cake walk, du Charleston, du Lindy hop pour en arriver au Rock, au Funk, au Break dancing jusqu'au rap et Hip hop actuels. 
 
L'exception a cette philosophie "nature" du jazz est la danse scénique qui nous vient de Broadway où elle a été influencée par de grands chorégraphes novateurs qui étaient au départ principalement classiques comme Georges BALLANCHINE, Gérôme ROBBINS et pour rester plus "jazz" Jack COLE. 
 
Ces chorégraphes n'avaient pas un esprit d'improvisation au sens africain du terme. 
 
Ce qui nous amène au paradoxisme entre :  
 
Le jazz : liberté du corps, improvisation, conception stricte noire afro américaine de la philosophie du jazz en opposition avec : 
 
Le jazz : danse théâtrale et scénique actuelle (qui n'est plus une improvisation). 
 
 Ce paradoxisme s'explique par le fait que le jazz est né de la rencontre de deux cultures; la culture afro américaine et la culture européenne. 
 
Ces cultures se sont rencontrées à un certain moment de l'histoire ce qui explique pourquoi on a plusieurs tendances dans le développement du jazz : 
 
 La tendance afro américaine ; Kathérine DUNHAM, Pearl PRIMUS. La tendance scénique ; Minstrel shows, Broadway, secteur commercial. La tendance théâtrale ; les compagnies de danse (concert-work).  
 
Pour définir la danse jazz il est nécessaire de faire abstraction de la musique jazz.  
 
Actuellement on pratique la danse jazz sur de la musique rap (mais le rap n'est-il pas le jazz d'aujourd'hui ?). Il faut savoir toutefois ce qu'est la caractéristique permettant de définir une musique comme une musique jazz, elle se trouve dans le coté " percussion" du rythme. Tout ce qui est lié au jazz est basé sur la percussion. Justement, le Rap n'est autre qu'une percussion rythmique et vocale. Citons un exemple marquant qui a énormément contribué au développement de la musique noire américaine : la musique de James BROWN, elle est à la base essentiellement "percussive". James BROWN, elle est à la base essentiellement "percussive".  
 
Afin de compléter cette définition et d'aller dans notre recherche au-delà de la musique, il nous faut examiner le mouvement et sa spécificité qui est différente de la danse africaine. A différencier elle-même de la danse primitive, laquelle a été amenée en France par Ernest DUPLAN, un haïtien. Cette danse "primitive" est un dérivé de la danse africaine, mais la différence se loge dans l'improvisation. La danse jazz a un vocabulaire propre issu d'un melting pot culturel, chaque pays du monde y reconnaît et y intègre les racines de son propre pays. 
 
Définitions de la danse jazz par plusieurs personnes à différentes époques : 
 
Jean SABATINE : critique (1969) : "La danse jazz est un art populaire, une sorte de mélange de danses ethnologiques et sociales". 
 
Louis HORST : directeur musical de Martha Graham et professeur de composition musicale, accompagnateur du Denis SHAWN (Ruth St. DENIS, Doris HUMPHREY, Charles WEIDMANN). " L'alliance paradoxale combiné le primitivisme d'un lointain passé avec les ramifications des temps modernes. La danse jazz est une sorte de primitivisme populaire illustrant par son tempo et ses impulsions le désir de notre culture complexe et sophistiquée, de retourner au rythme et au mouvement existant dans des sociétés moins civilisées". (Cette définition de Louis HORST situe le jazz à un carrefour inter-culturel composé de trois critères relatifs à ; la culture civilisée, la culture primitive et "l'esprit africain"). 
 
Jack COLE: "Jazz is urban folk".  
 
Un grand musicien de jazz : "If you gotta ask, you aint got it!" 
 
La difficulté de définir ce mot réside dans la pluralité de sens qui dérive de la danse africaine.Le jazz n'est pas seulement une musique qui force le corps au mouvement, il n'est pas seulement musique ou danse, il est expression vocale, langage, communion et expression de l'existence de chaque communauté à chaque génération ce qui explique son actualité et sa pertinence. 
 Le mot "jazz " est assez récent dans le vocabulaire, il a été écrit pour la première fois en 1917. Pour la signification de ce mot il y a plusieurs pistes mais aucune n'est certaine : 
 
 "Jas" : argot sénégalais à forte signification sexuelle. "Jasm" : (dictionnaire de 1860) énergie, dynamisme, vitalité. "Jazz" : dériverait du mot chas, chase (chasse). "Jazz" : définition de musiciens: il semblerait qu’à l'époque de la mintrelsy il y avait un musicien, danseur qui s'appelait "JASBO" il était très populaire et chaque fois qu'il jouait le public criait "we want more Jasbo". "Jass" : jeu de cartes  
 
La définition et la compréhension du jazz sont difficiles pour les occidentaux car nous avons besoin, suite à notre éducation, d'explications rationnelles. La caractéristique de la culture africaine est la spontanéité et la vitalité, les occidentaux échouent à définir le terme jazz car ils ont besoin de faire appel à une démarche analytique, constituée de concepts logiques, rationnels et clairs. Cette spontanéité leur est étrangère. 
 
Nous, occidentaux: 
 si on parle de jazz, on parle de musique si on parle de chant, on parle de Gospels si on parle de mouvement, on parle de danse jazz  
 
On devrait saisir le jazz comme un tout, le saisir dans sa globalité culturelle, musicale, et corporelle. On devrait saisir le jazz comme un tout, le saisir dans sa globalité culturelle, musicale, et corporelle. 
 
La danse jazz connaît malheureusement d'impardonnables répulsions car elle n'est pas juste une vulgaire gesticulation, elle n'est pas un dérivé du moderne ou de la danse folklorique américaine pas plus qu'un dérivé des comédies musicales telle que West Side Story. 
 
Elle est tout ça en même temps et c'est l'apport de la recherche des chorégraphes tel que : Kathérine DUNHAM, Jack COLE et plus récemment les chorégraphes modernes comme : Alvin AILEY, Donald Mc. KAYLE, Talley BEATTY et des professeurs comme Matt MATTOX et LUIGI qui nous ont permis de comprendre plus profondément l'aspect scénique de la danse jazz. Aux Etats Unis la question s'est posée de savoir pourquoi le jazz plaisait tant et était si populaire parmi les jeunes. Souvent on appela la danse jazz "la Soul dance" (la danse de l'âme). Le "soul" pouvait signifier la sensibilité, l'expérience vécue, l'état d'accord parfait avec les rythmes de son propre corps ou de celui des autres. 
Danser jazz c'est pouvoir réaliser tous les gestes que l'on désire sans souci de trahir un courant artistique ou une école. 
 
  MATT MATTOX dans une interview de 1969 définissait la danse jazz qu'il pratique par l'expression "free style". D'ailleurs beaucoup de professeurs ou de chorégraphes appelaient dans les années 50 leur danse "free style" car ainsi ils échappaient aux stéréotypes des gestes quotidiens mais aussi pouvaient puiser indifféremment et délibérément dans des techniques classiques, modernes, folkloriques, populaires et primitives pour en fin de compte les appréhender dans leur propre sensibilité. Matt MATTOX explique avoir choisi le terme "style" en référence au cadre stylistique dans le quel son inspiration peut, c'est ce qu'on appelle en ce moment les "colorations," prenons comme exemple les colorations : - africaines, - indiennes - latino, -espagnoles etc. 
 
Si l'on considère les formes variées qui ont nourri le développement de la danse jazz, on découvre une palette de styles variés : 
 

 Le ballet classique. La danse moderne et contemporaine. La show dance (broadway, revues, cabaret T.V.). La danse théâtrale "concert work". La danse sociale (danse lisse, ballroom). Les danses ethniques (danses africaines, rituelles, indiennes, espagnoles, russes etc.) La danse jazz est composée d'éléments nombreux et variés aux apparences parfois incompatibles.  
 
La cause de cette incompatibilité provient de l'union paradoxale ayant donné naissance à cette danse entre la tradition rituelle africaine et la tradition aristocratique européenne. 
 
Cela explique les tensions entre les blancs et les noirs, le jeu populaire et l'art cultivé, la passion et l'élégance. Et finalement ce ne sont pas des contradictions mais au contraire des compléments. Si on enlevait une de ces composantes on perdrait la qualité essentielle de la danse jazz. 
 
Le jazz est-il une expression vernaculaire ou universelle ?  
 
C’est une alternative qui alimente une controverse vieille d'un siècle et qui est presque aussi virulente que de savoir si le jazz est d'origine noire ou d'origine blanche. Ces oppositions sont d'ailleurs en étroite relation.  
 
Isadora DUNCAN qui était pourtant le fleuron de l'avant-garde américaine en danse, dans son œuvre autobiographique avait rejeté la danse académique classique, rejetait aussi le jazz hors des frontières de l'Amérique. Pour elle le jazz n'était pas une expression vernaculaire, ainsi elle disait :  
 
" Il me paraît monstrueux que l'on puisse penser que le rythme jazz exprime l’Amérique. Le rythme jazz exprime l'esclavage primitif ". (Elle nourrissait un mépris pour le jazz). 
 
Gus GIORDANO : par contre considérait la danse jazz comme une identité typiquement américaine et citait " La danse jazz et le jazz constitue l'unique forme d'art qui a pu se cristalliser aux USA. Le jazz est une expression d'un tempérament propre à l'Amérique. Le fait que la danse jazz puise ses racines en Afrique et a été implantée par la suite aux Etats Unis par les esclaves noirs, n'altère en rien le caractère américain de cet art." 
 
Reste naturellement la thèse des noirs qui revendiquent entièrement l'identité du jazz comme étant l'expression pure de leur communauté, pour eux cette expression a été reprise sans cesse et récupérée par les blancs (et la plus part du temps à but lucratif). 
 
Il est difficile d'essayer de régler ce conflit lié à la reconnaissance de la paternité de la danse jazz, mais ce que l'on peut affirmer de source certaine est que "le rythme percussion" vient du fond de l'Afrique noire. 
 
C'est du fond de la communauté noire qu'arrive l'écho des rythmes africains, qui mêlé aux mélodies hybrides européennes feront découvrir une musique qui émouvra la population américaine. Cette musique savait traduire comme nulle autre ; l'énergie, la mécanisation, la société industrielle, l'amour de la vitesse qui caractérisait les Américains à cette époque. 
 
Martha GRAHAM et Anna DUNCAN déclaraient en 1929 que "la forme était dynamique et distante, c'est une forme vers la liberté, une danse pour oublier, souvent Dionysiaque dans son abandon et dans la splendeur crue de son rythme". 
 
Natacha NATOVA brillante danseuse russe classique était folle du jazz et elle le considérait comme l'expression parfaite du culte de l'énergie qu'avaient les Américains à cette époque. 
 
M. ROBERTS " C’est une danse dans laquelle le corps entier est employé comme moyen d'expression, elle est à l'extrême l'opposée de la danse classique qui est basée sur une convention d'un buste enfermé dans une armure et qui décrit l'homme comme un animal qui virevolte sur ses orteils exécutant des gestes gracieux avec la tête et les bras. En danse jazz les hanches, le ventre et la poitrine entrent en action autant que les jambes. La forme ressemble à la danse espagnole plus qu'à toute autre, elle a la même tendance à développer une richesse de dessins préétablis exigeant une exécution à la vitesse de l'éclair." " Mais l'esprit de la danse jazz ne pouvait pas être compris si l'on ne prenait pas en considération la musique jazz, car c'est une forme de musique pleine d'énergie plutôt que débordante de spiritualité." (Définition de la danse jazz pour Dance Magazine en 1929). 
 
Mez MEZZROW : "Le jazz n’a jamais cessé d’évoluer, mais le jour où il a trop évolué il a cessé d’être jazz".  
 
En résumé : C'est une expression populaire et commerciale qui est née de la synthèse des danses rituelles africaines avec les danses européennes, elles ont interagi pendant 300 ans dans le creusé américain. 
 
C'est une danse qui à réussi la symbiose de deux traditions, elle accepte de devenir une composition savante mais elle refuse de se couper de sa racine qui est la danse africaine.